Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
205
chap. xviii. — défense des rivières.

l’autre ; mais si, par contre, la défense a à compter avec des forces supérieures conduites par un général entreprenant, persister dans ce mode défensif serait suivre une route dangereuse tracée sur le bord même de l’abîme.

Du reste, ce procédé de défense se présente à la fois d’une façon si hardie et si savante, qu’on pourrait, en quelque sorte, le définir le mode défensif élégant. Or l’élégance confine à la suffisance, défaut moins excusable à la guerre que dans les relations mondaines. On y a donc, dans le fait, rarement recours. Il convient, toutefois, d’en tirer un procédé auxiliaire à employer conjointement avec les deux premiers, et qui consiste à maintenir solidement le point de passage au moyen d’une tête de pont, de façon à menacer constamment l’attaque d’une irruption sur la rive même qu’elle occupe.

Indépendamment d’une résistance absolue avec le gros de l’armée, chacun des trois modes défensifs que nous venons d’exposer peut avoir pour objet de faire croire à une résistance qui ne sera que simulée.

Il est vrai que pour en imposer à l’ennemi à ce propos, il faut encore prendre un grand nombre d’autres dispositions, mais la première de toutes les conditions est que la position ne présente pas les apparences d’un bivouac ou camp de marche. Sur un grand fleuve cela exige une véritable mise en scène, en ce sens qu’on y prend une quantité de dispositions plus ou moins de circonstance, et que la comédie doit être plus habilement menée et durer généralement plus longtemps. En effet, l’action d’effectuer le passage d’un obstacle de cette importance constitue toujours pour l’attaque une opération des plus graves, à laquelle elle ne se décide habituellement qu’après mûres réflexions, et qu’elle retarde souvent longtemps pour ne l’exécuter que dans des conditions plus favorables.