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chap. xxviii. — défense d’un théâtre de guerre.

tion du défenseur quand il se portera ainsi offensivement et en masse sur le flanc de l’ennemi, et il aura toujours du moins sur son adversaire la supériorité du calme, de l’assurance, de l’unité, de la précision et des bons préparatifs.

En partageant ses forces ou en se portant obliquement au-devant de l’ennemi, le défendeur renonce, en somme, à toutes ses prérogatives. Il se laisse, dès lors, imposer la loi par l’attaque, et ne peut plus prendre que les dispositions hâtives et dangereuses que les circonstances laissent à sa portée. Or, partout où l’attaque a été caractérisée par un grand esprit de décision et par une ferme volonté de vaincre, on l’a vue, sans exception, briser un si déplorable système de défense.

Nous ne saurions nous dispenser de rappeler ici un grand événement historique qui présente beaucoup d’analogie avec les idées que nous venons de développer, mais dont on pourrait peut-être fausser la corrélation avec notre sujet. Lorsque Bonaparte se porta contre la Prusse, en octobre 1806, l’armée de cette puissance se trouvait en Thuringe entre les deux grandes routes qui, passant l’une par Erfurt et l’autre par Hof, se réunissent à Leipzig pour continuer vers Berlin. On avait précédemment formé l’armée sur cette position dans l’intention de la porter en Franconie par la forêt de Thuringe. Bien que, naturellement, il ne fût plus dès lors question de réaliser cette manœuvre, l’impossibilité de prévoir par laquelle des deux routes l’invasion allait s’effectuer fit néanmoins conserver cette position intermédiaire. Comme telle, elle eût donc dû mener au procédé qui consiste à se porter par un mouvement oblique rapide sur la direction suivie par l’ennemi.

Or, autant ce procédé eût été applicable si l’invasion se fût produite par la route d’Erfurt-Leipzig, parce que tous les chemins conduisant de la position dans cette