Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/108

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elle est la fille d’un bon marchand. Son père, homme très rigide et très intéressé, avait formé le projet de la marier à un négociant âgé de cinquante-deux ans, très riche à la vérité, mais qui joignait à une figure très désagréable un esprit caustique et avaricieux. Miss Edw…d représenta en vain la disproportion d’âge. Son père lui enjoignit expressément de se conformer à ses volontés, Cette jeune fille, se voyant sacrifiée à l’intérêt, résolut de se soustraire à une union qui révoltait son âme ; elle s’en alla de la maison paternelle la surveille du jour fixé pour ses noces et se réfugia chez sa marchande de modes qui, craignant que le père de la jeune demoiselle ne lui fît un mauvais parti s’il apprenait qu’elle était chez elle, la conduisit chez Miss Fa…kl…d, à qui elle la recommanda. Cette dame, à cette époque, commençait l’établissement de son sérail ; elle la reçut avec affection et l’initia aussitôt dans les mystères de son séminaire auxquels elle se livre aujourd’hui avec une ferveur surprenante.

« Miss Butler, jolie blonde, de la figure la plus voluptueuse, âgée de dix-neuf ans : elle entra chez Miss Fa…kl…d le jour même que Miss Edw…d. Elle perdit son père dans l’âge le plus tendre ; sa mère est revendeuse à la toilette. Miss Butler était tous les jours occupée à raccommoder les dentelles, mousselines, gazes et autres effets que sa mère achetait d’occasion dans les ventes. Mme Butler, pour se délasser, le soir, des fatigues de son petit négoce, se dédommageait de son veuvage avec M. James, qui était son compère et le parrain de sa fille. M. James ne manquait pas de venir tous les jours souper avec sa commère. Après le repas, Mme Butler ordonnait à sa fille de se retirer dans sa chambre, qui n’était séparée de la sienne que par une cloison de planches couvertes en papier peint ; elle prenait le prétexte de chercher quelque chose dans la chambre de sa fille pour