Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/125

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Les servantes avaient comme petits profits le produit de la vente des peaux de lièvres, de lapins, les graisses, le suif qui coulaient des chandelles. Elles vendaient ces résidus aux vieilles femmes qui criaient ; Any kitchenstuff ? (Avez-vous des restes de graisse à vendre ?) Quand ces servantes étaient jeunes et jolies, la mégère avait toujours quelques bons conseils à leur donner, comme d’aller trouver telle dame, dans telle rue de tel quartier, qui fournissait gratis, tant elle était bonne, des atours aux jeunes filles et s’occupait de leur fortune, pour peu qu’elles voulussent être aimables avec de vieux gentlemen prêts à les épouser, et la vieille citait des noms de servantes devenues des grandes dames pour l’avoir écoutée, et elle se retirait se promettant de revenir bientôt afin de connaître l’effet de ses paroles habiles dans l’âme des jeunes filles innocentes et naïves.

Dans les après-midi pluvieuses, quand on ne pouvait aller prendre le thé à la jolie et agréable colline de White-Conduit, le jeune homme de la Cité donnait à sa maîtresse l’illusion de cette promenade en achetant un pain de White-Conduit qu’on vendait dans les rues et qu’on allait manger dans une taverne. A hot loaf ! A White-Conduit loaf ! (Un pain tout chaud ! un pain de White-Conduit !) L’abus du thé était déjà un sujet de railleries de la part des écrivains de l’époque. White-Conduit était un de ces jardins publics, nommés tea-gardens, parce qu’on y prenait surtout du thé. Les plus fameux de ces jardins qui favorisèrent la débauche londonienne au XVIII° siècle furent ceux de Vauxhall et de Ranelagh, qui étaient situés hors des barrières de Londres.

Les autres étaient dans la ville. Dans tous, la société était mêlée. La plupart étaient agréablement plantés et bien dessinés. Presque déserts pendant la semaine, ils étaient pleins le dimanche, et c’était surtout, ainsi que le dit une description du temps, « de petite bourgeoisie, d’ouvriers et d’ouvrières,