Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/163

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telle que moi, si l’aversion insurmontable que j’avais pour lui n’eût rendu leur babil sans effet. La bouteille aussi allait grand train, afin, je suppose, de trouver un auxiliaire dans la chaleur de mon tempérament pour l’assaut qui se préparait.

La séance fut si longue qu’il était environ sept heures quand nous sortîmes de table. Je montai à ma chambre ; le thé fut bientôt servi ; notre vénérable maîtresse entra, escortée de mon effroyable satyre. L’introduction faite, on prit le thé, puis lorsqu’il fut desservi elle me dit qu’une affaire de la dernière importance la forçait de nous quitter, que je l’obligerais sensiblement de vouloir bien tenir compagnie à son cher cousin jusqu’à son retour.

« Pour vous, monsieur, ajouta-t-elle, songez, par vos attentions et vos bonnes manières, à vous rendre digne de l’affection de cette aimable enfant. Adieu, ne vous ennuyez point. »

En proférant ces derniers mots, la perfide était déjà presque au bas de l’escalier. Je m’attendais si peu à ce départ précipité, que je tombai sur le canapé comme pétrifiée. Le monstre se mit aussitôt près de moi et voulut m’embrasser ; son haleine infecte me fit évanouir. Alors, profitant de l’état où j’étais, il me découvrit brusquement la gorge, qu’il profana de ses regards et de ses attouchements impurs. Encouragé par cet heureux début, l’infâme m’étendit de mon long et eut l’audace de glisser une de ses mains sous mes jupes ;. cette outrageante tentative me rappela à la vie. Je me relevai avec promptitude et le suppliai, fondant en larmes, de ne me faire aucune insulte. « — Qui, moi, ma chère ? dit-il, vous faire insulte ! Ce n’est pas mon intention ; est-ce que la vieille madame ne vous a pas appris que je vous aime ? que je suis dans le dessein de… »