Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/169

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jusqu’à ce que Phœbe m’eût donné là-dessus de plus amples instructions.

Quand nous fûmes ensemble, je la mis sur cette voie en faisant un récit fidèle de ce que j’avais vu.

Elle me demanda quel effet cela avait produit sur moi. Je lui avouai naïvement que j’avais ressenti les désirs les plus violents, mais qu’une chose m’embarrassait beaucoup.

« Et qu’est-ce que c’est, dit-elle, que cette chose ?

« Eh ! mais, répondis-je, cette terrible machine. Comment est-il possible qu’elle puisse entrer sans me faire mourir de douleur, puisque vous savez bien que je ne saurais y souffrir que le petit doigt ?… À l’égard du bijou de ma maîtresse et du vôtre, je conçois aisément, par leurs dimensions, que vous ne risquez rien. Enfin, quelque délectable qu’en soit le plaisir, je crains d’en faire l’essai. »

Phœbe me dit en riant qu’elle n’avait pas encore ouï personne se plaindre qu’un semblable instrument eût jamais fait de blessures mortelles en ces endroits-là et qu’elle en connaissait d’aussi jeunes et d’aussi délicates que moi qui n’en étaient pas mortes… qu’à la vérité nos bijoux n’étaient pas tous de la même mesure ; mais qu’à un certain âge, après un certain temps d’exercice, cela prêtait comme un gant ; qu’au reste, si celui-là me faisait peur, elle m’en procurerait un d’une taille moins monstrueuse.

« Vous connaissez, poursuivit-elle, Polly Philips ; un jeune marchand génois l’entretient ici. L’oncle du jeune homme est immensément riche et très bon pour lui. Il l’a envoyé ici en compagnie d’un marchand anglais, son ami, sous le prétexte de régler des comptes, mais en réalité pour complaire au désir qu’il avait de voyager et de voir le monde. Il a rencontré Polly par hasard dans une société, en est devenu amoureux, et il la traite assez bien pour mériter qu’elle s’attache à lui. Il vient la voir deux ou trois fois par