Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/185

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perspective et formait sans conteste le plus intéressant tableau qui fût au monde, infiniment supérieur, à coup sûr, à ces nudités que la peinture, la sculpture ou d’autres arts nous font payer des prix fabuleux. Mais la vue de ces objets, dans la vie réelle, n’est guère bien goûtée que par les rares connaisseurs doués d’une imagination de feu, qu’un jugement sain porte à l’admiration des sources, des originaux de beauté, incomparables créations de la nature que nul art ne saurait imiter, que nulle richesse ne saurait payer à leur prix.

Je ne pus m’abstenir de considérer sur moi-même la différence qu’il y a entre une vierge et une femme.

Tandis que j’étais occupée à cet intéressant examen, Charles s’éveilla et, se tournant vers moi, me demanda avec douceur comment je m’étais reposée ; et, sans attendre la réponse, il m’imprima sur la bouche un baiser tout de feu. Incontinent après, il me troussa jusqu’à la ceinture, pour se récréer à son tour du spectacle de mes charmes et se donner la satisfaction d’examiner les dégâts qu’il avait faits. Ses yeux et ses mains se délectaient à l’envi. La délicieuse crudité et la dureté de mes seins naissants et non encore mûrs, la blancheur et la fermeté de ma chair, la fraîcheur et la régularité de mes traits, l’harmonie de mes membres, tout paraissait le confirmer dans la bonne idée qu’il avait de son acquisition. Mais, bientôt, curieux de connaître le ravage qu’il avait fait la veille, il ne se contente pas d’explorer de ses mains le centre de son attaque : il glisse sous moi un oreiller et me place dans une position favorable à ce singulier examen. Oh ! alors, qui pourrait exprimer le feu dont brillaient ses yeux et dont brûlaient ses mains ! Des soupirs de volupté, de tendres exclamations, c’était en fait de compliments tout ce qu’il pouvait proférer. Cependant son athlète, levant fièrement la tête, reparut dans tout son éclat.