Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/252

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de l’aventure que j’avais eue ; d’où elle conclut sagement que s’il ne venait point me trouver il n’y avait aucun mal ; mais que s’il passait chez elle, il faudrait examiner si l’oiseau valait bien les filets.

Notre gentleman vint le lendemain matin dans sa voiture et fut reçu par Mme Cole, qui s’aperçut bientôt que j’avais fait une trop vive impression sur ses sens pour craindre de le perdre, car, pour moi, j’affectais de tenir la tête baissée et semblais redouter sa vue. Après qu’il eut donné son adresse à Mme Cole et payé fort libéralement ce qu’il venait d’acheter, il retourna dans son carrosse.

J’appris bientôt que ce gentleman n’était autre chose que Mr. Norbert, d’une fortune considérable, mais d’une constitution très faible, et lequel, après avoir épuisé toutes les débauches possibles, s’était mis à courir les petites filles. Mme Cole conclut de ces prémisses qu’un tel caractère était une juste proie pour elle ; que ce serait un péché de n’en point tirer la quintessence, et qu’une fille comme moi n’était que trop bonne pour lui.

Elle fut donc chez lui à l’heure indiquée. C’était un hôtel du quartier de la Cour de justice. Après avoir admiré l’ameublement riche et luxurieux de ses appartements et s’être plainte de l’ingratitude de son métier, elle fit que la conversation tomba insensiblement sur moi. Alors, s’armant de toutes les apparences d’une vertu rigide, louant surtout mes charmes et ma modestie, elle finit par lui donner l’espérance de quelques rendez-vous, qui ne devaient cependant pas, disait-elle, tirer à conséquence.

Comme elle craignait que de trop grandes difficultés ne le dégoûtassent, ou que quelque accident imprévu ne fît éventer notre mèche, elle fit semblant de se laisser gagner par ses promesses, ses bonnes manières, mais surtout par la somme considérable que cela lui vaudrait.