Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/273

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des chausses d’Emily, qui n’étaient pas encore déboutonnées, il les lui abaissa jusqu’aux genoux, et la faisant doucement courber, le visage contre le bord du lit, il la plaça de telle sorte que la double voie entre les deux collines postérieures lui offrait l’embarras du choix, il s’engageait même dans la mauvaise direction pour faire craindre à la jeune fille de perdre un pucelage auquel elle n’avait pas songé. Cependant, ses plaintes et une résistance douce, mais ferme, l’arrêtèrent et le ramenèrent au sentiment de la réalité : il fit baisser la tête à son coursier et le lança enfin dans la bonne route, où, tout en laissant son imagination tirer parti, sans doute, des ressemblances qui flattaient son goût, il arriva, non sans grand vacarme, au terme de son voyage. La chose faite, il la reconduisit lui-même, et après avoir marché avec elle l’espace de deux ou trois rues, il la mit dans une chaise ; puis, lui faisant un cadeau nullement inférieur à ce qu’elle avait pu espérer, il la laissa, bien recommandée aux porteurs, qui, sur ses indications, la ramenèrent chez elle.

Dès le matin, elle raconta son aventure à Mme Cole et à moi, non sans montrer quelques restes, encore empreints dans sa contenance, de la crainte et de la confusion qu’elle avait ressenties. Mme Cole fit remarquer que cette indiscrétion procédant d’une facilité constitutionnelle, il y avait peu d’espoir qu’elle s’en guérît, si ce n’est par des épreuves sévères et répétées. Quant à moi, j’étais en peine de concevoir comment un homme pouvait se livrer à un goût non seulement universellement odieux, mais absurde et impossible à satisfaire, puisque, suivant les notions et l’expérience que j’avais des choses, il n’était pas dans la nature de concilier de si énormes disproportions. Mme Cole se contenta de sourire de mon ignorance et ne dit rien pour me détromper : il me fallut, pour cela, une démonstration oculaire