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IV

LE DOUTE

En balance.

La « certitude » est cet état mental dans lequel nous jouissons pleinement de la sensation (plus ou moins justifiée) de « connaître » à la mesure de nos moyens. En contraste, le doute qui, toutes preuves balancées, nous laisse encore hésitants. Ces définitions paraissent toutes simples Elles ne vont pas sans d’assez graves embarras. C’est que le phénomène organique de la compréhension à ciel ouvert s’aggrave, dans les profondeurs de l’intelligence, d’un problème redoutable d’émotivités.

L’homme, en effet, ne peut être complètement lui-même que lorsqu’il se trouve en état d’estimer la valeur intrinsèque de sa connaissance pour contenir et régler les réactions émotives dans l’ordre de sa personnalité. Quant aux épreuves d’entendement où l’entraînent tour à tour l’expérience, mère d’inquiétudes et de quiétudes mêlées[1], et l’imagination trop prompte aux satisfactions d’apparences, il en peut induire une synthèse historique au fur et à mesure de ses évolutions.

S’il ne s’agissait que d’une comptabilité d’expériences, nous n’aurions besoin que d’une suite d’observations vérifiées pour extraire de l’ensemble, en tout désintéressement de nous-mêmes, la formule d’une hypothèse synthétique du Cosmos. Mais notre appareil enregistreur, sous l’influence des réactions émotives en lesquelles notre mentalité s’achève, voit les indications de l’empirisme, à tous moments, troublées. Ainsi, la connaissance d’ob-

  1. Les mouvements de la connaissance supposent une inquiétude organique qui est le grand ressort de l’intelligence humaine.