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LES SYMBOLES

cas pour la roue solaire de l’Inde qu’on retrouve de toutes parts dans l’empire chinois. J’ai dit que les symboles représentent un primitif essai d’écriture idéographique, et nous fournissent, à ce titre, la première indication des figurations mentales de nos ancêtres à la recherche d’une formule du monde et de ses habitants. Quoi de plus naturel que de voir les mêmes phénomènes produire mêmes résultats d’analogie dans les réactions d’organismes similaires ?

Chacun sait, toutefois, que l’Extrême-Orient nous offre, pour caractère particulier, des états d’émotivité intellectuelle qui se distinguent ethniquement des nôtres, aussi bien dans l’interprétation des phénomènes que dans les développements qui s’ensuivent. De notables divergences de directions avant d’éventuelles rencontres. On ne pourra donc pas s’étonner si le coq, autochtone ou non, se voit submerger dans un inexprimable tumulte de symboles extrême-asiatiques dont la procédure mentale est trop propre à nous dérouter. Il faut un art de patience pour ne pas se perdre en cet océan de subtils raffinements qui semblent préparer des évaporations de pensée. Et cependant, la procédure d’interprétation chinoise côtoie si bien la nôtre qu’il lui arrive de la devancer.

je prends le symbole chinois le plus notable. Le Taï-Ki (Grand-Extrême) est un cercle dans lequel sont inscrites deux demi-circonférences, en formes giratoires, qui s’enlacent, tête à queue, comme feraient ces têtards de batraciens qui pullulent dans nos mares. Le cercle représente le ciel et le petit disque, au centre de chaque partie renflée (représentant d’un côté le soleil, de l’autre la lune) figureraient assez bien l’œil de l’embryon. C’est le symbole du jour et de la nuit dans leur révolution. Aussi du chaud et du froid ; du bien et du mal ; du mouvement et du repos ; de la vie et de la mort et de je ne sais combien d’autres rythmes encore. Tout en procède et tout y ramène. C’est la suprême formule de l’Univers.

L’analogie avec le dualisme générateur de l’Avesta a suscité tous les commentaires. Le Yin et le Yang, les deux girations composantes du Taï-Ki, représentent encore le principe mâle et le principe femelle par qui le monde fut engendré, et en cela, du moins, ce symbole est d’une généralisation analogue à la nôtre, dans l’histoire, puisqu’il ramène la formule cosmique