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AU SOIR DE LA PENSÉE

âges reculés, transcrits plus ou moins fidèlement : « les tablettes cunéiformes trouvées jusqu’en Égypte, à Tell-Amarna, nous prouvent que cette civilisation n’était pas limitée au bassin de la Mésopotamie. Quatorze cents ans avant notre ère, avant l’invasion de la Palestine par les Hébreux, l’écriture, avec elle, la littérature babylonienne, avaient pénétré jusqu’à la Méditerranée, régnant sur toute la côte de Syrie, depuis l’Arabie jusqu’à l’Asie-Mineure. Elles s’y étaient implantées auparavant déjà, à l’époque d’Hammourabi, vers l’an 2000, environ, que la tradition biblique assigne au patriarche Abraham[1]. »

Ici convient-il de placer les admirables travaux de M. Heuzey, déblayant l’ancienne ville royale chaldéenne de Sirpourla, et installant au Louvre les statues du palais royal de Telloh, dues aux découvertes de M. de Sarzec[2].

En dehors de l’Extrême-Orient, quel recueil de lois peut se comparer au code d’Hammourabi ? La loi des douze tables ne peut pas remonter au delà de l’an 303 de Rome, c’est-à-dire de cinq cents ans avant notre ère. On rapporte à l’an 884 les fameuses lois de Lycurgue, supposées originaires de Crète, d’Égypte, d’Asie. Les lois de Manou sont certainement d’une très ancienne inspiration, mais ne nous sont parvenues qu’avec d’innombrables remaniements. Le livre des morts de l’ancienne Égypte[3] est un énoncé de préceptes altruistes qui furent peut-être codifiés. C’est la loi de Moïse qui se rapproche le plus du code d’Hammourabi. Mais il est aujourd’hui reconnu que les livres de Moïse se composent d’écrits, de sources et de dates très diverses, qui ont été juxtaposés et soudés. Le texte de la Thora d’aujourd’hui est postérieur à la captivité de Babylone, soit quatre cents ans avant J.-C.

« Deux mille ans avant notre ère, Babylone avait un code de lois, différant, sans doute, de la loi mosaïque, mais dont certains articles concordent si bien avec cette loi, qu’il est impossible d’admettre que Moïse, ou quel que soit l’auteur de la

  1. Philippe Berger, le Code d’Hammourabi.
  2. On ne peut oublier les fouilles de Suze par M. Dieulafoy, qui nous ont rendu le palais de Darius et de Xerxès.
  3. C’est là que se trouve originellement la fameuse définition du Créateur, dont s’est inspiré l’auteur biblique : « je suis qui je suis. » Avouons que cela ne nous éclaire pas d’une grande lumière.