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AU SOIR DE LA PENSÉE

Daro, dont l’aire est d’un mille carré d’une succession de plateaux (le plus élevé étant de quarante pieds environ) qui dominent la plaine. Ici même les premières tranchées ont découvert « les restes d’une cité, bien bâtie, de l’âge chalcolithique, trois mille ans avant ].-C. », « et sous cette cité même, les couches de constructions plus anciennes, superposées elles-mêmes aux mines antérieures. Les édifices supérieurs sont des temples ou des habitations privées. » Comme instruments du culte, peut-être, des pierres grossièrement taillées, dont on ne peut deviner l’usage et qui rappellent, à certains égards, l’art dit « sumérien » de la Mésopotamie. Une tablette de faïence bleue nous montre un personnage assis à la façon du Bouddha, flanqué de deux adorateurs, et accompagné d’un serpent qui évoque le souvenir de la légende biblique.

Les maisons d’habitation confortablement établies (puits, salles de bain, sol carrelé, drainage) montrent un peuple plus proche de nos installations modernes que nous n’aurions pu supposer. On rencontre, pour l’usage commun ou l’ornement, l’or, le cuivre, l’argent, le plomb. Des sceaux dignes de l’art mycénien nous révèlent des dessins aussi proches de la perfection que certaines figures de nos cavernes. Un certain « bœuf brahmane » est vraiment une pièce d’art achevé. Un sceau nous montre le figuier sacré (Pipal), avec des têtes d’antilopes, puis des tigres, des éléphants, des rhinocéros. Partout les outils de la vie néolithique qui, d’évidence, étaient encore d’un usage courant.

À Harappa, jusqu’à ce jour, le spectacle n’est pas très différent. Des parties de squelettes, ou même des squelettes entiers, d’inhumation plus récente, n’ont pas encore, que je sache, été soumis aux spécialistes de la paléontologie. On signale encore des découvertes du même ordre dans certains tombeaux du Béloutchistan.

La « grande civilisation » dont les vestiges reviennent à la lumière après plus de cinq mille années, demeure manifestement distinct du « Sumérien » de la Mésopotamie. « À mesure que nos fouilles avancent, écrit sir John Marshall, il est évident que nous avons devant nous les restes d’une grande civilisation de l’Indus et de ses affluents depuis d’innombrables générations. » Quel était ce peuple ? Un peuple « pré-Aryen », sans aucun doute.