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LE MONDE, L’HOMME

de son noyau d’électricité positive, de ses électrons, ions, etc., d’électricité négative, projetés aux alignements moléculaires (mouvements browniens) producteurs de nouvelles individualités : micelles, floculations, etc. Le monde est l’universel rendez-vous de toutes compositions d’individus qui s’enchaînent en synergies systématisées, tandis que la métaphysique ne peut que les juxtaposer fictivement sans détermination positive de rapports.

Que la vie des organes change conditions et aspects de complexes en état d’individuation, c’est ce qui ne peut surprendre. Longue durée pour l’évolution minérale, éphémère pour l’accomplissement organique d’activités plus fragiles en raison même de leur complexité. Par cela même intensification de l’individualité progressive au cours de la série vivante, jusqu’à l’acmen d’une personnalité[1] humaine que les qualifications du langage articulé, aidées de l’abstraction réalisée (dont Locke va nous parler tout à l’heure), tendront de plus en plus à distinguer de l’ambiance jusqu’à en faire un être métaphysiquement isolé.

Comme nos écoliers le savent, les propriétés élémentaires de la vie, nutrition, assimilation, perceptivité, motilité, reproduction, se trouvent successivement manifestées aux consensus des activités organiques dont les actions et réactions se rejoignent dans les fonctions du « complexe » d’individualité. Par les besoins de la nutrition des éléments anatomiques, apparaît le commencement d’une sensibilité particulière, plus ou moins consciente, d’un « Moi » dans l’amibe, dans l’infusoire, chez qui la nécessité d’un choix alimentaire fait apparaître un commencement de réaction individuelle qui sera plus tard la volonté. Les caractères généraux de l’individualité héréditairement transmis se détermineront et se développeront avec les éléments acquis de l’évolution générale, qui se fixeront par l’hérédité.

Dans l’ordre du dispositif universel, l’heure arrive pour nous, au cours des évolutions, de confronter l’infini du Cosmos avec les déterminations de notre personnalité. La métaphysique essaye de se tirer d’affaire par le moyen de ses artifices de mots.

  1. Le mot individualité ne contient rien de plus qu’une négation. Le mot personnalité est une affirmation de dynamisme unifié.