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LES HOMMES, LES DIEUX

Deus ; Dies, le jour ; Dies-Pitar, Jupiter, le Jour-Père ; au français, Dieu, etc… Ironie de penser qu’un de nos premiers Dieux fut de la voûte lumineuse. (Varouna dans l’Inde, Ouranos chez les Grecs), qui n’est qu’une apparence. Mais que faut-il de plus pour une Divinité ?

    qui peut me donner satisfaction. Un lecteur érudit et bienveillant a bien voulu me faire part de ses doutes à cet égard, et je me suis trouvé ainsi amené à examiner la question d’un peu plus près.

    J’ai eu d’abord recours au dictionnaire étymologique de M. L. Clédat, où j’ai lu que Θεός n’a aucun rapport avec Deus, authentiquement dérivé du sanscrit Dyaus, brillant. Notons que si Θεός ne vient pas de Dyaus, l’étymologie de Zeus (gén. Διός) Deus, dies, venant du mot sanscrit qui signifie brillant, n’en est pas affectée. Le seul mot de Θεός demeurerait en suspens dans la série de ses congénères. Mais qu’en pouvons-nous croire ?

    M. Clédat veut bien m’écrire à ce sujet : « Le Θ que nous prononçons T, après les Latins, mais qui avait à l’origine un son bien différent, s’apparente, non au d, mais à l’f. Deus ne peut pas être rapproché de Θεός, parce que, dans tous les mots communs au grec et au latin (à l’exception, bien entendu, des mots d’emprunt) ce n’est jamais le d qui correspond au Θ. C’est ainsi que poids ne peut pas être tiré de pondus, parce que, dans aucun autre mot, la diphtongue oi ne correspond au on latin, tandis qu’elle succède normalement à en devant s (Mensem, mois). »

    Est-il besoin de dire que je ne discute pas la leçon ? La ressemblance de Θεός et de Deus, serait, en ce cas, purement fortuite, et j’en prendrais mon parti si après m’avoir enseigné que Θεός ne vient pas, comme Deus, du sanscrit Dyaus, on voulait bien me dire d’où le mot est dérivé. Hélas ! voici précisément qu’on me laisse, à cet égard, dans le doute le plus cruel. Ne me propose-t-on pas, de faire dériver Θεός de Τιθημί dont il faut, pour cela, dénaturer le sens en lui faisant dire : je façonne, je crée, au lieu de : « je pose. » J’aime à croire que cette prétention ne sera pas maintenue.

    « Les peuples de langue indo-européenne, dit M. Meillet, n’ont connu l’écriture que très tard, à un moment ou elle était pratiquée à Babylone et en Égypte depuis beaucoup de siècles : seuls de toutes les langues indo-européennes, le sanscrit, l’iranien, le grec et les dialectes italiques dont le latin est le principal, sont attestés avant l’époque chrétienne. Toutes les autres langues, slave, baltique, germanique, celtique, arménien, ne sont attestées qu’après le quatrième siècle de notre ère — en partie, beaucoup après — et par des textes chrétiens… Il est donc impossible de faire l’histoire ancienne des religions pour les peuples de langue indo-européenne. Il est bien connu que certaines langues de l’Asie et presque toutes les langues de l’Europe, appartiennent à un même groupe qu’on est convenu d’appeler indo-européen… Dire que le sanscrit, le perse, le slave, le germanique, le celtique, le grec, l’arménien sont des langues du groupe indo-européen, c’est affirmer que ces langues sont des transformations d’une seule et même langue.

    « De cette langue, on n’a aucun témoignage direct, puisqu’elle n’a pas été