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au soir de la pensée

pour en découvrir le remède, n’est-ce donc pas s’employer, par excellence, au service de l’humanité ?

Comment l’homme, par les développements ide sa pensée dans la connaissance du monde et de lui-même, peut-il agir sur ses contemporains et ceux qui les suivront, en vue des hautes réalisations sociales trop aisément escomptées de l’avenir ? C’est toute la question de l’évolution humaine, dont l’action organique peut être puissamment accélérée par les réactions de la connaissance positive sur les expériences du présent et du passé. La parole, l’écriture, l’imprimerie, toutes les facilités des moyens de communication mentale, ont singulièrement éclairci les premières données du problème, et l’auraient même résolu, peut-être, si le contact des intelligences suffisait à nous jeter dans l’action ordonnée. De l’effroyable tohu-bohu de discordances et d’harmonies avivées des passions du jour, comment peut-il résulter une apparence d’ordre rationnel, voilà ce qui pourrait nous induire à témoigner plus de surprise du bien conquis que du mal déchaîné.

L’autocratie est d’un exercice facile, sans contrôle, sans responsabilité publique, sans souci des résultats incohérents. La démocratie, qui prétend pourvoir aux développements sociaux de l’humanité, ne manquerait peut-être pas d’y réussir si elle ne voulait des hommes disposés tout exprès en vue de pourvoir à ses activités de parades aussi bien que de réalités. L’expérience aidant, il lui suffirait peut-être d’ordonner nos recherches d’idéologie contrôlées d’expérience, tandis que l’heureuse évolution des intelligences cultivées conduirait gouvernants et gouvernés à des pratiques de souplesse dans l’art de s’accommoder réciproquement. Jusque-là, de quelque nom qu’elles se décorent, je ne crains pas de dire que nous serons la proie des hautes ou des basses oligarchies.

C’est la brièveté de notre vie qui nous fait accuser l’évolution de lenteur. Si chacun considérait ses devoirs envers autrui comme une des formes de ses devoirs envers lui-même, l’évolution sociale de civilisation s’en trouverait remarquablement accélérée. Nous n’en sommes pas à ce point. Peut-être y viendrons-nous, puisque nous nous trouvons déjà en état de comprendre que cet effort pourrait n’être pas au-dessus de nos moyens. Ce qu’on distingue le plus clairement dans les confusions de nos