Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/474

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
469
et après ?

rien savoir, sur le malheureux à qui sa connaissance fragmentaire interdit le domaine des solutions d’absolu.

L’univers est-il aux fins de l’homme, ou l’homme n’en est-il qu’un moment passager ? La réponse ne peut être remise aux décisions de nos émotivités, c’est-à-dire à nos vœux personnels. C’est aux éléments eux-mêmes qu’il faut nous adresser pour connaître, et nous avons pu voir que, méthodiquement interrogés, ils ne sont pas muets. Leur opposer les convenances d’une prévention individuelle est d’une présomptueuse candeur. Plaisantes ou funestes, il faut que les destinées s’accomplissent. L’affirmation d’un dénouement n’en crée pas la réalité. L’heure fatalement se présente où l’homme, phénomène de l’espace et du temps, dans l’enchaînement de ses successions d’énergies, doit rapporter ses stages d’évolution à ceux de l’océan cosmique où il n’apparaît que pour être aussitôt submergé.

Aussi bien pour la pierre que pour la plante, la bête ou l’homme pensant, être c’est devenir, éternellement succéder de ce qui a été à ce qui sera. La vie nous fait entrer dans la conscience des choses par des oppositions de souffrances et de plaisirs — pôles d’un même processus de sensibilité. En ce retentissement se résume toute notre conscience de nous-mêmes et du monde — formant l’attache puissante qui ne nous permet pas d’en finir sans douleur avec les tourments d’inconnu où nous a jetés la naissance.

Déterminés, nous reculons d’horreur à l’idée d’un fatal retour à l’indétermination dont les processus de l’évolution nous ont progressivement tirés. Cependant, l’homme, délivré des chaînes de ses Dieux, ne peut et ne doit compter que sur lui-même pour l’accomplissement de sa destinée. Encore le meilleur de ce lui-même lui échappe-t-il trop souvent par la difficulté de s’affranchir des atavismes dont il est le produit. Toutes les chances contre lui : voilà le principal de son bagage. Ajoutez-y les défiances, les haines et toutes les violences que lui vaudra l’aspiration d’indépendance qui fait injure aux défaillants de la personnalité. Ce ne sera pas trop, pour la bataille, de toutes les ressources de l’intelligence et du cœur, avec le couronnement d’une patience obstinée.

Et même encore, parfois, l’entreprise de déterminer, par nos