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l’atome

cupations par sa recherche d’un auditoire moins qualifié mais plus accessible à l’émotion que nos cénacles d’Académie, se trouvera faire encore haute œuvre de science dans la tâche ardue de former des intelligences en les préparant à de nouvelles méthodes de pensées. En ce sens même, la tâche de l’enseigné ne sera pas moins belle que celle de l’enseigneur, car tout ce monde se tient profondément d’un même élan dans une même orientation d’un idéal à sauver. Loin de vouloir rabaisser la foule inconsciente, je prends acte de ce que ses réactions d’insuffisance même témoignent, à son honneur, d’une aspiration au-dessus de ses moyens. D’où l’urgence de lui fournir au plus tôt les instruments d’une formation supérieure.

Ainsi, tous les hommes, infiniment divers dans leurs interprétations du monde et d’eux-mêmes, pourront vivre en commun leurs frémissements de grandeurs à la mesure de leurs développements d’énergies dont la loi est que les discordances subjectives doivent objectivement s’accorder. Pas un effort perdu : cela n’encourage-t-il pas nos labeurs ? L’accord se fait jusque dans la composition des résistances ancestrales qui doivent être finalement vaincues. L’indifférence de l’univers serait-il le plus beau sertissement de notre sensibilité ?


Le poème.


Dans l’indifférence de l’univers, où la sensibilité diffuse se condense en des réactions organiques de douleur ou de plaisir diversement enchaînées, se déroule la dramatique aventure des éphémères passages où notre relativité n’affronte le torrent irréversible des choses que pour y être submergé. Que les insuffisances ancestrales s’attachent à rêver d’un autre monde, de souffrance abolie ou surexcitée, nous demeurons aux prises avec l’univers de notre temps. L’entendement humain doit-il capituler devant le décret enfantin qui prétend substituer une hallucination d’irréel aux élémentaires contacts de la réalité ? Le pontife l’exige et prétend même nous imposer ses fragiles commande-