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grandeurs et misères d’une victoire

leur tour, la plupart ne s’embarrassent guère. Tous ces hommes éminents que j’ai salués au passage peuvent se trouver en proie à des passions ardentes, nées d’intérêts nationaux, parfois dominateurs. On est de son pays avant d’être de sa philosophie. Et quand l’heure survient de « la stabilisation générale », il y a des afflux de compromissions qui, de toutes parts et par tous les moyens, cherchent à s’imposer.

La parole de Clausewitz, que la guerre et la paix, issues d’un même état d’esprit, sont des mêmes activités profondes tendues vers le même but par des moyens différents, commence à se répandre parmi les peuples quand ils en viennent à entrevoir qu’il y a des états plus ou moins durables de stabilisation. C’est un grand pas vers la juste compréhension de ce que peut être une organisation de paix. Mais, de la compréhension à l’action, il y a presque autant de distance que de l’ignorance à la compréhension. Le monarque prononce aux chances de ses conseils, la démocratie parlementaire selon les turbulences d’avis contradictoires, ce qui n’accroît pas toujours l’heureuse fortune d’une pondération.

C’est une nouveauté déjà que de poser au grand jour les problèmes. Le Traité de Versailles, tant blâmé par les politiciens qui n’ont pas gagné la guerre et par le chef de guerre qui ne voit de la paix qu’une partie de l’aspect militaire, n’en a pas moins la gloire, au-dessus du fameux Traité de Westphalie, d’avoir conçu, et même partiellement réalisé, des rapports d’équité entre les peuples broyés les uns contre les autres par les successifs débordements de violences historiques. Renoncer au régime pur et simple de la force