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mutilation américaine

de Garantie[1]. Peut-on donc s’étonner que beaucoup d’âmes simples en soient demeurées meurtries, surtout quand il s’y joint l’inattendu d’une somme à payer avec des intérêts composés, qui font plus que doubler le total d’une dette insuffisamment justifiée[2].

Si cette paix américaine n’est pas une « paix séparée », je demande quelle sorte de qualificatif peut lui être appliqué. Nous avons débuté dans cette bataille mondiale avec le concours de la Belgique, de l’Angleterre, de la Russie. L’Italie, et d’autres puissances, nous ont, en cours de route, apporté leur excellent concours. L’Amérique, bien tardivement, hélas ! — avec une vaillance à laquelle je n’ai jamais manqué de rendre hommage — mais dans de telles conditions d’insuffisance qu’elle n’aurait pas même pu entrer en ligne sans notre armement.

Autour de la table de la Conférence, j’ai vu tous les peuples combattants réunis, en bon accord, pour tracer des frontières d’États et déterminer théoriquement des garanties. Le Président de la République américaine nous a fait l’honneur de venir prendre place parmi nous, et s’il n’avait pas été en son pouvoir de nous apporter un effort militaire supérieur à ce qu’il a fourni, du moins son concours en dollars ne nous fut-il pas ménagé

  1. N’est-il pas surprenant que le Pacte de Garantie ait été soumis au Congrès (29 juillet 1919) dix-neuf jours après le Traité (10 juillet 1919), alors que l’article IV du Pacte stipulait que le Traité de paix et le Pacte devaient être soumis en même temps à la ratification du Sénat ? Cela n’accusait-il pas de fâcheuses vacillations ?
  2. Voir en appendice la lettre ouverte que j’adressai au Président Coolidge sur le règlement de la Paix et le problème des dettes interalliées, le 9 août 1926.