Page:Cobb - L'enfer des sables, 1936.djvu/33

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J’ai rendu un service à la France, je suis contente. Moi…

— Vous, vous êtes Française aussi. Vous n’aimez pas, vous ne pouvez pas aimer Ahmer Saloun !

Elle courba le front :

— Il est très bon pour moi, il m’aime. Non, je ne l’aimerai jamais parce qu’il n’est pas de ma race et aussi parce que je n’ai aimé qu’un homme au monde… Mais, je ne peux plus partir, Monsieur Saint-Flavien…

— Pourquoi ?

— J'ai un fils, dit-elle tout bas.

Il y eut un silence. Elle reprit :

— Je n’abandonnerai pas mon enfant et son père ne me le laisserait pas. Non, Monsieur Saint-Flavien. Quittons-nous, oubliez-moi. Dites aux… — sa voix s’étranglait — dites aux Français, qu’ici, au désert, je travaillerai encore pour mon pays, que j’apprendrai aux Maures à l’aimer et que mon fils quand il aura vingt ans, n’aura qu’un idéal : servir la France ! Adieu !

— Je voudrais seulement, dit-elle à voix basse, savoir où est la tombe de Bertrand…

Saint-Flavien tira de sa poche une carte, y marqua un point et la lui remit :

— Adieu ! répéta-t-elle. Allez vers la vie et, quand vous le reverrez, saluez de ma part mon cher Paris que je ne reverrai jamais ! Moi, je suis vouée à l’enfer des sables…

Quelques instants plus tard, l’avion s’élevait dans Pair, ayant à son bord le capitaine, l’interprète et Marc de Brussieu, le rescapé de l’Enfer. Bakar surprit une larme dans les yeux de Saint-Flavien. Il pleurait sur Kéké l’aviatrice, la femme du chef à qui il garderait dans un coin de son cœur un amour idéal…

. . . . . . . . . . . . . . .

Il devait la revoir une fois, quelques mois plus tard. Un jour que, survolant le désert, l’idée lui vint d’aller voir l’endroit où reposaient les deux aviateurs du