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adieu. Elle me demanda de ne point parler de la petite marquise.

— Que savons-nous, me dit-elle, si ce n’était pas un esprit tourmenté et aigri par le chagrin ? L’écolier, qui sortait du séminaire, était bien novice pour la juger. Qu’entend-il au cœur des femmes ? Peut-être cet Italien mourant a-t-il été le premier amour d’Aglaé. J’en conviens, cet amour n’avait aucun indice de profondeur et de sincérité. Songez pourtant à l’éducation et à l’entourage de la petite marquise ! Comment voulez-vous qu’elle comprenne l’amour ainsi que nous le comprenons ? Mais qui pourrait dire qu’elle ne l’a pas ressenti ? que ce doute la sauvegarde contre votre ironie. Selon la belle expression de Molière : On ne voit pas les cœurs. Femmes, nous nous devons les unes les autres défense et mansuétude.

— Assez assez ! m’écriai-je en riant, serez-vous donc incurablement magnanime et idéologue ! Vous pensez que toutes les femmes sont sœurs, mais il faut convenir que beaucoup sont des sœurs ennemies ! Ainsi cette petite marquise vous a détestée dès le premier jour.

— Et pourquoi ? repartit Nérine. Je vous assure que quoiqu’il n’y eût aucune affinité entre nous, j’aurais été très-disposée à l’aménité pour elle si elle l’avait voulu.