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escorter jusqu’à la salle à manger. Mais le jour où nous avions rencontré l’écolier sur les hauteurs de la promenade Grammont, lorsque la cloche du dîner retentit et que nous traversâmes la galerie de bois, la chambre d’Adolphe nous parut déserte et muette. Nous aperçûmes pourtant en passant une silhouette au fond de l’entre-bâillement de la porte ; qu’avait-il donc pour rester là immobile ? Nous pensâmes d’abord qu’il était malade, car le dîner était déjà fort avancé quand il vint se mettre à table ; il se glissa furtivement en rougissant beaucoup jusqu’à sa place.

Ce n’était plus l’écolier mal vêtu et mal peigné du matin : il avait fait friser légèrement ses cheveux rebelles et lissé ses sourcils ; il avait lavé son visage et brossé ses grosses dents ; il était toujours fort laid, mais d’une laideur moins malséante, et son corps dans un habit noir boutonné avait pris certaine allure aristocratique. Sa mâchoire se dissimulait dans sa cravate de satin noir ; il portait du linge blanc très-fin.

Chacun en le regardant fit un signe ou une exclamation de surprise. Le pâle Italien sourit sardoniquement ; M. Routier, l’important fabricant de Mulhouse, l’appela mon bel Adolphe, en ajoutant : Séducteur ! Le magistrat de Pau, qui arrivait toujours à dîner dans une tenue irréprochable, lui dit : Bravo, jeune homme ! voilà comment il convient de se montrer