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les cafés et dans les magasins illuminés afflue une foule élégante ; une brise tiède soufflé de la Garonne ; le ciel n’a pas un nuage, les étoiles y paraissent plus grosses qu’à travers les brumes du Nord. Quelques chants de sérénades, ou de musiciens espagnols, groupés sur les places, traversent les airs ; tout est quiétude et harmonie ; on prolonge à plaisir la poétique veillée, on savoure un repos pénétrant plus délectable et aussi solitaire que le sommeil.

Mais il fallut m’arracher au charme de ces belles nuits du Midi qui me rappelaient les jours déjà si loin de l’adolescence. La veille de mon départ, comme pour rendre mes regrets plus vifs, on me mena dîner à la campagne aux portes de Bordeaux : je vois encore la blanche maison, les quinconces et les sombres allées de marronniers que le soleil couchant transperçait de pointes de lumière ; le grand bassin de marbre ovale entouré de caisses d’orangers ; les immenses parterres où se pressaient les fleurs les plus rares, parmi lesquelles on cueillit pour moi d’énormes jasmins d’Espagne, des brins de verveine en fleurs et des touffes d’héliotrope. Le lendemain, je respirais dans le wagon ce magnifique bouquet, dernier parfum de la ville évanouie ; mais sa chaude température qui dilatait ma poitrine affaiblie, mais son ciel si lumineux, même la nuit, et où j’avais vu