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l’à-propos d’esprit qui ne l’abandonnaient jamais :

— Vous devez connaître mademoiselle Martel, des Variétés ? Elle était aux Eaux-Bonnes il y a quelques années. Une princesse régnante y était aussi. Un soir, dans ce même salon de l’hôtel de France où nous allons tantôt prendre le café, on donnait un bal de souscription ; mademoiselle Martel vint, accompagnée de sa mère ; elle était très-jolie et mise d’une façon exquise, elle fut sur-le-champ engagée pour une contredanse. Mais une petite comtesse provinciale qui se trouvait en face de l’actrice, abandonna subitement sa place et menaça même de quitter le bal si, disait-elle, cette créature y restait. Aussitôt la jeune souveraine s’approcha de la pauvre artiste, tremblante et épouvantée, et lui dit avec une grâce affable en lui tendant la main :

— Mademoiselle Martel veut-elle bien me faire vis-à-vis ?

Des murmures d’approbation s’élevèrent dans tout le salon ; la jeune actrice fut invitée par tous les hommes et protégée par toutes les femmes, si bien que la petite comtesse se vit contrainte de s’enfuir et d’aller se coucher.

Tandis que Nérine parlait, la marquise trépignait de colère ; mais il n’y avait pas moyen d’éclater, sous peine d’attester que l’apologue était à son adresse.