Page:Colet - Lui, 1880.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 144 —

— Peur ! répliquai-je, peur ! quand je t’étreins sur mon cœur et que je t’aime, tu aurais donc peur de mourir avec moi ? Eh bien, si Dieu m’écoutait, moi, je voudrais, vois-tu, que cette nuit fût pour nous la dernière ; là, près de toi, finir la vie, m’endormir radieux, jeune, satisfait, aimant et aimé avant que l’âge n’ait glacé notre àme, avant que la lassitude ou l’infidélité n’ait flétri notre bel amour, avant que le monde ne nous ait séparés. Oh ! dis, chère âme, veux-tu que ce jour soit notre dernier jour ? précipitons-nous de ce roc, cœur contre cœur, et si étroitement enlacés qu’on ne pourra nous séparer dans la tombe ?

En parlant ainsi, fou d’amour et altéré d’infini, je l’inondais de caresses et de larmes ; je la soulevai dans mes bras et la pressai d’une si forte étreinte, tout en marchant vers le bord du roc, qu’elle poussa un cri aigu plein d’effroi ; elle se débattit dans mes bras, me repoussant des pieds et des mains avec frénésie et une sorte de haine. Elle parvint à se dégager.

— Je ne veux pas mourir ! me dit-elle, et, sans écouter mes supplications, elle se laissa glisser jusqu’au pied du roc ; je me précipitai sur ses traces, et, quand je l’eus atteinte, je m’agenouillai devant elle, et lui demandai pardon de la terreur que lui avait causé mon amour.

Amour si grand et si vrai, qu’un instant j’avais songé à le perpétuer par la mort !

— Ces extravagances sont criminelles, me dit-elle assez durement, et l’amour tel que vous l’entendez est