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répliqua le consul ; vous auriez trouvé dans la société vénitienne des distractions attrayantes et des études curieuses à faire.

Antonia ne répondit rien, et se renferma aussitôt dans une froideur presque désobligeante qui me força à redoubler d’amabilité auprès de notre visiteur. Quand il sortit, je le remerciai de sa cordialité ; j’ajoutai que j’irais bientôt le voir, et que je serais heureux de me trouver dans sa compagnie et dans celle de quelques nobles Vénitiens dont il venait de me parler.

Sitôt que nous nous retrouvâmes seuls, Antonia éclata en reproches, m’accusant de légèreté et de projets de dissipations. À présent que notre logement était arrangé, l’heure était venue, me dit-elle, de nous mettre en retraite et de travailler. L’argent allait nous manquer, et nous devions nous faire un point d’honneur de ne jamais avoir recours à la bourse d’un ami.

Tout ce qu’elle me disait était parfaitement raisonnable, mais je trouvais la forme de son langage un peu didactique. Comme je l’en plaisantais, elle me quitta avec humeur, alla s’enfermer dans sa chambre, et ne reparut plus qu’à l’heure du souper.

Je l’appelai en vain plusieurs fois, la priant de revenir près de moi ; elle me répondit qu’elle travaillait et me pria de la laisser en paix.

J’essayai vainement de faire comme elle et d’écrire quelques pages d’un de ces livres flottant en germe dans ma pensée. Je n’ai jamais pu travailler qu’à mes heures et non par commandement et d’après une règle