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— J’irai, répliquai-je.

Antonia me lança un regard sardonique.

— Ce n’est pas tout, reprit le Vénitien, Zéphira qui s’est montrée fort bonne créature à l’égard de votre protégée, donne, à l’issue du spectacle, une fête de nuit dans le palais du comte Luigi ; elle espère que vous y assisterez ; tout ce qu’il y a dans la ville de jeunes et riches oisifs sera là. Quant aux femmes, je ne vous promets pas des patriciennes ni des vertus : je dois même avouer que celles que vous rencontrerez me semblent une compagnie peu digne de ma chère Stella, mais des convenances de théâtre la forcent, vous le savez, à ménager Zéphira ; d’ailleurs on sera en masque et, on pourra, garder l’incognito. De sorte, poursuivit-il en s’adressant à Antonia, que si madame était tentée de vous accompagner, elle verrait, sans être connue, une de ces anciennes fêtes de Venise si rares désormais dans notre ville en deuil.

Je fus de l’avis de notre visiteur, et je pressai Antonia d’accepter cette distraction.

Le Vénitien ajouta, en riant, que par sa chère présence elle me garantirait de toute tentation.

Antonia repartit qu’elle me laissait parfaitement libre de me divertir avec ces dames ; qu’elle ne comprenait pas l’amour esclave ; qu’un sentiment aussi grand ne devait avoir sa force que dans la moralité de l’âme.

En prononçant cette docte maxime, elle se leva, salua l’amant de Stella et disparut.