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sous les couches de sable stérile qui les recouvrent et les étreignent. C’était parfois quelque chose d’amer et de méprisant, trahi par l’ironie acérée du regard qui semblait flageller comme avec une lanière certains vices de race que révélaient les lettres de Léonce. Il avait tout lu et pas une fois je n’avais surpris un signe d’attendrissement involontaire sur la vérité de cet amour qui prenait ma vie.

— Eh ! bien, lui dis-je, éperdue et l’interrogeant, voyant qu’il ne me parlait pas !

— Chère Stéphanie, répliqua-t-il, en me considérant avec tristesse, vous êtes aimée par le cerveau de cet homme et non par son cœur.

— Ne me dites pas du mal de lui, m’écriai-je, vous seriez suspect.

— N’allez-vous pas me soupçonner d’être jaloux de ce Léonce, reprit-il en levant la tête avec fierté ! Non, je suis rassuré, car je vaux mieux que lui, mieux que lui par la sincérité de mes émotions ; il y a dans mon vieux cœur flétri plus de chaleur et plus d’élan que dans ce cœur froid et inerte de trente ans ! Je suis rassuré, vous dis-je, et je ne suis plus jaloux parce que j’ai la certitude que vous m’aimerez un jour et que vous ne l’aimerez plus ! il y a entre vous deux trop de dissemblances ; trop de sentiments qui se heurtent et se froissent en voulant se confondre, pour que vous ne soyez pas tôt ou tard ennemis ; et alors, vivant ou mort, vous m’aimerez ! mort ! ce sera un bonheur à me