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douces ; on eût dit que devinant l’orage qui grondait en moi, il voulait l’apaiser par des mots suaves. Je lui répondis sans amertume, mais sans lui parler de notre prochaine réunion, que j’avais si passionnément désirée. Pour la première fois, je lui fis presque un mensonge. Je motivai mon silence sur un travail impérieux que j’avais dû finir, et je suspendis ses questions au sujet d’Albert, en lui disant que je ne le voyais plus et le croyais absent.

En effet, Albert n’avait pas reparu. Les jours s’écoulaient ; je l’espérais chaque matin, et chaque soir je me disais : C’est donc fini, il ne reviendra plus. Dans mon inquiétude, j’avais plusieurs fois envoyé Marguerite demander de ses nouvelles ; son portier avait toujours répondu qu’on ne pouvait le voir, il passait les nuits dehors et les jours il s’enfermait pour dormir. Son absence remplissait mon cœur d’une préoccupation très-vive. J’entendais autour de moi comme l’écho de ce qu’il m’avait dit de charmant et de passionné, et je vivais pour ainsi dire dans cette vibration de son esprit et de son amour. Il manquait à ma solitude, il manquait aussi à mon fils, qui s’était pris à l’aimer de plus en plus, et qui me répétait sans cesse :

— Pourquoi donc Albert ne revient-il pas ?

Il faisait un mois de juillet pluvieux et sombre aussi triste que novembre. Je passais les heures à regarder, frissonnante, la pluie qui ruisselait à travers les vitres et tombait avec un bruit monotone sur les feuilles des arbres ; les agitations fougueuses ressenties durant les