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se soustraire au maître, et mépriser ses critiques ?

Je ne tentai plus aucun effort pour rien conjurer. Je ne savais que répondre et que faire ; je n’osais pas même le regarder pendant qu’il lisait.

— J’aime ces vers, me dit-il vivement quand il eut achevé de les parcourir, je suis fier que vous ayez pu les faire ; mais, Stéphanie, sont-ils bien pour moi ?

— Sans vous je ne les aurais jamais faits, répondis-je en tremblant et honteuse de ce subterfuge jésuitique.

— Sont-ils pour moi ? sont-ils pour moi ? répéta-t-il d’un air de doute. Oh ! Stéphanie, si ces vers sont pour un autre, savez-vous que vous êtes comme l’enfant qui assassine son père avec les armes dont celui-ci l’a appris à se servir ! — Vous ne voudriez point me tromper, vous qui n’avez jamais menti ; voyons, parlez, pour qui sont ces vers ?

Je me levai, pâle et égarée comme si j’avais commis un crime, et saisissant sa main, je lui dis :

— Cher Albert, ne m’interrogez pas jusqu’à demain ; demain j’aurai la certitude de ce que veut mon cœur et je vous le dirai, mais aujourd’hui il faut que je vous quitte, que je parte à l’instant même, adieu.

Il ne me répondit pas une parole ; ses yeux s’étaient arrêtés sur les gros bouquets de fleurs qui embaumaient la cheminée, et il les regardait en souriant d’un air ironique. Il me salua sans prendre ma main ; puis il partit. Je l’accompagnai en lui disant : « À demain ! »

Quand nous traversâmes la salle à manger, par une