Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/157

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ce qu’elle appelait « l’uniforme des petites Bouilloux ». Mais comme l’automobile qui m’emmenait montait lentement — pas assez lentement, jamais assez lentement — une rue où je n’ai plus de raison de m’arrêter, une passante se rangea pour éviter la roue. Une femme mince, bien coiffée, les cheveux en casque à la mode d’autrefois, des ciseaux de couturière pendus à une « châtelaine » d’acier, sur son tablier noir. De grands yeux vindicatifs, une bouche serrée qui devait se taire longuement, la joue et la tempe jaunies de celles qui travaillent à la lampe ; une femme de quarante-cinq à… Mais non, mais non ; une femme de trente-huit ans, une femme de mon âge, exactement de mon âge, je n’en pouvais pas douter… Dès que la voiture lui laissa le passage, la « petite Bouilloux » descendit la rue, droite, indifférente, après qu’un coup d’œil, âpre et anxieux, lui eut révélé que la voiture s’en allait, vide du ravisseur attendu.