Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/228

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s’était passé chez Laura. « La confiance inouïe qu’elle avait mise en lui, m’a-t-il assuré, l’a tellement convaincu de son innocence et de sa loyauté parfaites, qu’il n’a pas eu à se reprocher un seul moment de jalousie indigne d’elle, soit pendant qu’il était avec nous, soit après qu’il nous eût quittées. Tout en déplorant l’attachement malheureux qui a mis obstacle aux progrès qu’il eût pu faire, sans cela, dans l’estime et l’affection de sa fiancée, il avait la ferme confiance que cet attachement inconnu à celui qui en était l’objet, jamais ne lui serait révélé dans l’avenir, tel changement qu’on pût prévoir aux situations actuelles. Il en avait la conviction absolue, et la plus forte preuve qu’il en pût donner, c’est que, m’a-t-il assuré, il ne tient à connaître ni la date de cet attachement, ni la personne qui a pu en être l’objet. Sa confiance implicite dans miss Fairlie fait qu’il se contente de ce qu’elle a jugé convenable de lui dire, et il n’a réellement aucun souci qui demande à être écarté par des confidences plus complètes. »

Il s’est tu exprès cette déclaration et m’a regardée. J’avais conscience du préjugé déraisonnable que je nourris contre lui ; je le soupçonnais en outre (non sans me le reprocher) d’avoir compté que je répondrais spontanément à ces mêmes questions dont il déclarait vouloir s’abstenir ; aussi, quelque peu confuse du rôle que je jouais, me refusai-je à entrer dans la voie qu’il m’ouvrait. Mais, en même temps, j’étais bien résolue à ne perdre aucune occasion, si mince fût-elle, de plaider la cause de Laura ; et j’exprimai hardiment à sir Percival mon regret que sa générosité n’eût pas fait un pas de plus, en le poussant à rompre de lui-même l’engagement respecté par ma sœur.

Ici, de nouveau, il me désarma par sa tactique ordinaire, en n’essayant pas de se défendre. « Il se bornerait, me disait-il, à me prier de ne pas oublier la différence qu’il y avait entre la liberté qu’il avait laissée à miss Fairlie de renoncer à lui (acte de pure soumission), et la violence qu’il aurait dû se faire à lui-même pour renoncer à miss Fairlie, violence qu’il n’était pas raisonnable