Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/293

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a pas moins peur, je le vois fort bien, de donner au comte un sérieux motif de mécontentement. Cette peur, je me demande quelquefois avec surprise si je ne l’éprouve point. Très-certainement, je ne vis oncques un homme que je fusse plus fâchée d’avoir pour ennemi. Serait-ce que je l’aime, ou que j’en ai peur ? « Chi sa ! » — comme dirait le comte Fosco, dans la langue qui est la sienne.

« 16 juin. » — Un incident à noter, aujourd’hui, en sus de mes idées et de mes impressions. Il est arrivé un visiteur, — tout à fait inconnu à Laura comme à moi, — et que sir Percival, semble-t-il, n’attendait guère. Nous étions assis au « lunch », dans cette pièce décorée de nouvelles fenêtres « à la française », qui donne sous la vérandah ; et le comte (qui avale la pâtisserie avec une aisance dont je n’ai vu d’exemple que dans les pensionnats de petites filles), le comte venait de nous réjouir en réclamant majestueusement sa quatrième tartelette, — quand un domestique entra pour annoncer le nouveau venu.

— M. Merriman vient d’arriver, sir Percival, et demande à vous voir immédiatement…

Sire Percival tressaillit, et jeta sur cet homme un regard où se peignait une sorte d’alarme irritée.

— M. Merriman ? répéta-t-il, comme s’il pensait que ses oreilles eussent dû le tromper.

— Oui, sir Percival : M. Merriman de Londres.

— Où est-il ?

— Dans la bibliothèque, sir Percival…

À peine cette dernière réponse eut-elle été donnée, que le maître de la maison se leva et se précipita hors de la chambre, sans adresser la moindre excuse à aucun de nous.

— Qui est M. Merriman ? demanda Laura, s’adressant à moi.

— Je n’en ai pas la moindre idée… À ceci dut se borner ma réponse.

Le comte avait absorbé sa quatrième tartelette, et se trouvait, en ce moment, près d’une table volante, occupé