Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/328

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qui s’est passé, vous feriez bien de suivre mon exemple. Venez vous reposer, vous calmer un peu dans ma chambre…

Nous nous assîmes ensemble auprès de la fenêtre, et laissâmes la brise d’été, toute chargée de parfums, circuler librement autour de nos fronts.

— Je suis presque honteuse de lever les yeux sur vous, Marian, me dit Laura tout à coup, après ce que vous avez eu à supporter là-bas pour avoir pris ma défense. Je ne puis y songer, chère bien-aimée, sans une angoisse de cœur vraiment poignante. Mais je vous dédommagerai… J’essayerai, du moins…

— Chut ! chut ! répondis-je ; ne parlez pas ainsi !… Que sont, comparées au terrible sacrifice de votre bonheur, les mesquines mortifications de mon orgueil ?

— Vous avez entendu ce qu’il m’a dit, continua-t-elle avec une précipitation véhémente ; du moins avez-vous entendu les paroles, — et vous ne saviez pas ce qu’elles signifiaient au juste ; — vous ne savez pas pourquoi j’ai jeté la plume, pourquoi je lui ai tourné le dos… — Elle se leva, prise d’une agitation soudaine, et continua, parcourant la chambre à grands pas… — Je vous ai laissé ignorer bien des choses, Marian, pour ne pas vous affliger et ne pas troubler le début de notre nouvelle existence. Vous ne savez pas comment il m’a traitée. Et pourtant, vous pouvez vous en douter, après la scène dont aujourd’hui vous avez été le témoin. Vous l’avez entendu railler ce qu’il appelle mes « prétentions au scrupule » ; vous l’avez entendu dire « qu’en l’acceptant pour mari, j’avais fait de nécessité vertu… » — Elle se rassit ; une rougeur foncée envahit son visage, et ses mains enlacées se tordirent sur ses genoux : — Je ne puis vous parler maintenant de cela, reprit-elle ; j’éclaterais en larmes s’il me fallait vous faire à présent, ce récit. Plus tard, Marian, et quand je serai plus sûre de moi. Ma pauvre tête me fait un mal, chère aimée !… un mal, un mal, un mal !… Avez-vous là votre flacon de sels ?… Parlons un peu de vous… J’aurais dû lui donner cette signature, ne fût-ce que pour vous épargner une