Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/514

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nier un petit cadeau pour ses enfants, et, avant de monter en voiture, fidèle à ses façons simples et cordiales, elle me tendit la main.

— Vous avez été bien bonne pour moi et pour ma sœur, dit-elle ; et cela, lorsque nous ne pouvions, elle et moi, compter sur aucune amitié. Je garderai de vous un souvenir reconnaissant aussi longtemps que je vivrai pour me rappeler quelqu’un ou quelque chose. Adieu ! — et que Dieu vous accorde sa bénédiction !…

Elle prononça ces mots avec un accent et une physionomie qui firent monter des larmes dans mes yeux ; — elle les prononça comme si elle me disait adieu pour toujours.

— Adieu, milady, répondis-je, l’aidant à monter et tâchant de la ranimer un peu ; adieu, mais pour aujourd’hui seulement ; adieu, avec mes vœux les meilleurs et les plus affectueux pour votre bonheur en d’autres temps !…

Elle secoua la tête, et semblait frissonner en s’installant dans le wagon. Le garde referma la portière : — Croyez-vous aux rêves ?… me dit-elle tout bas, se penchant en dehors… Mes rêves, la nuit dernière, ont été tels que jamais encore je n’en avais eu de pareils ; en ce moment-ci même, la terreur qu’ils m’ont laissée plane autour de moi… Le sifflet retentit avant que j’eusse pu répondre, et le train s’ébranla. Le visage pâle et calme de milady se tourna vers moi pour la dernière fois ; une tristesse solennelle y était empreinte, tandis que, de la portière, elle me regardait. Elle me fit un signe de la main, — et je ne l’ai plus revue.

Vers cinq heures de l’après-midi, le même jour, me trouvant un peu de répit au milieu des soins domestiques dont j’étais maintenant accablée, je me retirai chez moi, toute seule, voulant tâcher de me calmer en lisant quelques passages des sermons de mon mari. Pour la première fois de ma vie, je m’aperçus que ces pieuses et consolantes paroles ne parvenaient pas à fixer mon attention. Concluant de là que le départ de lady Glyde avait