Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/53

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les aventures, dans cette atmosphère de Limmeridge, si calme et si peu renouvelée ?…

Elle discourait ainsi, à bride abattue, avec un gracieux abandon, et sans aucune interruption de ma part que les réponses voulues par la plus simple politesse. Sa dernière question, la tournure qu’elle lui avait donnée, ou plutôt ce mot « d’aventures » si légèrement tombé de ses lèvres, rappelèrent à ma pensée ma rencontre avec la Femme en blanc, et me poussèrent à chercher si je ne pourrais pas découvrir le lien qui avait pu exister autrefois — comme le témoignait la mention du nom de Fairlie dans les propos de ma mystérieuse inconnue — entre la fugitive anonyme de l’hospice d’aliénés et l’ancienne châtelaine de Limmeridge-House.

— Alors même que je serais le plus inquiet, le plus remuant des hommes, répondis-je, il est à croire que d’ici à quelque temps, je n’aurai plus grand soif d’aventures. Le soir même qui a précédé mon arrivée ici, j’ai fait une rencontre de nature à me satisfaire complètement sous ce rapport. Et je puis vous certifier, miss Halcombe, que la surprise, l’émotion produites en moi par cet incident dureront pour le moins autant que mon séjour dans le Cumberland.

— En vérité, monsieur Hartright ?… et puis-je savoir ?…

— Vous y avez toute sorte de droits. La personne qui, dans cette aventure, joue le rôle principal, m’est tout à fait étrangère et probablement ne vous est pas plus connue qu’à moi. Cependant, elle m’a parlé de feu mistress Fairlie dans les termes de l’affection et de la reconnaissance les plus vraies.

— Parlé de ma mère ?… Vous m’intéressez au delà de ce que je pourrais dire… Continuez, de grâce !…

Aussitôt je racontai, fort en détail, ma rencontre avec la Femme en blanc, sans rien y changer, et répétant mot pour mot ce qu’elle m’avait dit de mistress Fairlie et de Limmeridge-House.

Les yeux brillants et hardis de miss Halcombe restèrent fixés sur les miens, d’un bout à l’autre de ce long récit. Sa physionomie exprimait un vif intérêt, une sur-