Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/575

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vaillais. — C’est ainsi, et par d’autres menues attentions du même genre, que nous prenions à cœur de la calmer, de la rendre à elle-même, et nous voulions tout espérer, nous encourageant mutuellement, de la patience et du temps, surtout de cette affection qui jamais ne la négligeait, jamais ne s’était laissée aller à désespérer de son avenir. Mais l’arracher sans pitié à sa solitude et à son repos ; la mettre en face de personnes étrangères, ou de connaissances indifférentes qui, pour elle, équivalaient presque à des inconnus ; susciter en elle les pénibles impressions de sa vie passée, après tant de soins consacrés, au contraire, à les effacer de sa mémoire, — ceci, nous ne l’osions, même dans son propre intérêt. Quelques sacrifices que cela dût coûter, quelques longs, fatigants, et désolants délais qu’il nous fallût subir, le tort qui lui avait été fait, si tant est qu’humainement il offrît quelque prise, devait être redressé sans son concours, et même complètement à son insu.

Cette résolution prise, il fallait décider ensuite comment nous irions au-devant des premiers dangers, et quelles devaient être nos premières démarches.

Après m’être consulté avec Marian, je résolus de commencer par grouper autant de renseignements que possible, de demander ensuite l’avis de M. Kyrle (sur qui nous savions pouvoir compter) ; de savoir de lui, tout d’abord, si le recours aux lois nous était suffisamment ouvert. Je devais bien aux intérêts de Laura de ne pas faire dépendre tout son avenir de mes efforts isolés, tant que j’aurais la moindre chance de fortifier notre position par un secours quelconque sur lequel on pût faire fond.

La première source d’informations à laquelle je recourus fut le « Journal » que Marian Halcombe avait tenu à Blacwater-Park. Il y avait dans ces notes, relativement à moi, des passages qu’elle préférait ne pas me laisser voir. En conséquence, elle me lisait elle-même le manuscrit, et je prenais, au fur et à mesure, les notes dont j’avais besoin. Nous ne pouvions nous procurer le temps nécessaire à ce travail qu’en veillant fort avant dans la nuit. Nous y consacrâmes trois soirées, et ce fut assez