Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/77

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de sa fortune. Ni mistress Vesey, ni miss Halcombe ne purent jamais obtenir qu’elle leur disputât la supériorité de mise où elles trouvaient, de manière ou d’autre, quelque compensation à leur infériorité de richesse.

Le dîner terminé, nous revînmes ensemble au salon. Bien que — digne émule de ce monarque assez intelligent pour daigner ramasser le pinceau du Titien, — M. Fairlie eût enjoint à son sommelier de me laisser choisir le vin qu’il pourrait me convenir de boire après le dîner, j’eus le courage de résister à la tentation qui m’était offerte ; et au lieu de trôner majestueusement, mais seul, parmi des bouteilles d’élite, je sollicitai de ces dames la permission de quitter la table avec elles, — ainsi que cela se pratique chez les étrangers civilisés, — pendant toute la durée de mon séjour à Limmeridge-House.

Le salon, où nous venions de rentrer pour le reste de la soirée, situé au rez-de-chaussée, était de la même dimension et de la même forme que la salle à manger. À son extrémité inférieure, de grandes portes vitrées ouvraient sur une terrasse ornée, dans toute sa longueur, par une profusion de fleurs rares, tirées des serres du château. Les lueurs du crépuscule, vaporeuses et douces, venaient justement de descendre sur ce magnifique parterre, dont elles harmoniaient, en les éteignant quelque peu, les couleurs vivement contrastées ; et par les portes ouvertes arrivaient jusqu’à nous les pénétrants parfums que les fleurs dégagent à l’approche de la nuit. La bonne mistress Vesey (toujours la première à s’asseoir) prit possession d’un grand fauteuil établi dans un angle, et s’y engourdit confortablement, par manière de préface à un sommeil plus complet. Miss Fairlie, sur ma demande, se mit au piano. Tandis que j’allais m’asseoir auprès d’elle, je vis miss Halcombe se retirer dans la baie profonde d’une des fenêtres, pour continuer, aux dernières clartés du jour, ses recherches dans les papiers de sa mère.

Comme cette scène domestique, comme ce salon paisible me réapparaissent nettement, tandis que je trace ces lignes ! De l’endroit où j’étais assis, je pouvais voir la