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II


À la chaîne des événements, il faut encore ajouter deux anneaux pour qu’elle embrasse ce long récit dans toutes ses parties essentielles.

Tandis que, délivrés tout nouvellement de notre long esclavage, nous n’étions pas faits encore à la liberté qui venait de nous être rendue, l’ami qui, le premier, m’avait employé comme graveur sur bois, m’envoya chercher pour me donner une nouvelle preuve de l’intérêt qu’il prenait à mon bien-être. Ses patrons lui demandaient d’aller à Paris, pour y examiner en leur nom une découverte récemment faite en France, touchant certains procédés pratiques de son art, découverte sur le mérite de laquelle ils désiraient être complètement édifiés. Les travaux dans lesquels il était engagé ne lui laissaient pas le loisir nécessaire à cette mission, et il avait eu la bonté de me désigner comme pouvant la remplir à sa place. Je ne devais pas hésiter à me prévaloir de cette offre tout obligeante ; car si je remplissais mon mandat aussi bien qu’il m’était permis de l’espérer, il en devait résulter pour moi un engagement permanent auprès du journal illustré, dont jusqu’alors je n’avais été le collaborateur qu’à titre indirect et précaire.

Je reçus mes instructions, et fis mes malles dès le lendemain. En laissant Laura, une fois encore (mais combien les circonstances étaient changées !) sous la protection de notre chère sœur, une considération sérieuse me revint à l’esprit, qui avait déjà, plus d’une fois, préoccupé ma femme aussi bien que moi, savoir ce que serait désormais l’avenir de Marian. Avions-nous aucun droit d’accepter, dans notre égoïste attachement, le sacrifice absolu de cette généreuse existence ? N’était-ce pas notre devoir et en même temps la meilleure manière de lui témoigner notre reconnaissance, que de nous oublier désormais