Page:Collins - Le Secret.djvu/196

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qu’elle avait bien réellement sous les yeux la personne décrite dans la lettre de mistress Frankland. Outre le costume, soigné dans ses détails et de couleurs peu voyantes, la voix s’y trouvait, douce et modérée, et aussi le timide regard, lorsque Sarah, pour un moment, eut levé les yeux. Donc, si troublée, si agitée qu’elle fût d’ailleurs, mistress Pentreath ne pouvait douter ni de l’identité de l’étrangère, ni des procédés qu’il fallait avoir à son égard. Quant à l’autre visiteur, par exemple, ce vieil étranger incompréhensible la jetait dans des perplexités sans issue. Valait-il mieux, s’en tenant à la lettre des instructions de mistress Frankland, le prier d’attendre dehors que sa compagne eût visité l’habitation ? ou serait-il plus à propos, prenant la chose sous sa propre responsabilité, de l’admettre, lui aussi, en même temps que la dame inconnue ? C’était là un grand problème à résoudre, et par conséquent il fallait recourir, de toute nécessité, à la sagacité supérieure de M. Munder.

« Veuillez entrer un moment, et attendre ici que j’aie parlé à l’intendant, dit mistress Pentreath, affectant de ne pas prendre garde au vieillard trop familier et s’adressant tout droit, par-dessus sa tête, à la dame restée au bas du perron.

— Mille remercîments, répliqua l’oncle Joseph, toujours souriant et saluant, à l’épreuve de la rebuffade… Que vous avais-je dit ? » murmura-t-il dans l’oreille de sa nièce, avec l’accent du triomphe, comme elle passait devant lui pour entrer.

La première intention de mistress Pentreath avait été de descendre incontinent et de conférer avec M. Munder ; mais s’étant remémoré en temps utile ce passage de la lettre de mistress Frankland où il lui était enjoint de ne pas perdre de vue un seul moment la dame à la mise modeste, ce souvenir la cloua sur place. Elle se rappela d’autant mieux cette injonction spéciale, qu’elle eut à remarquer un changement assez curieux dans les manières de la dame elle-même, qui, tout à coup rassurée, semblait maintenant fort impatiente de se mettre à l’avant-garde pour pénétrer à l’intérieur de l’habitation, le seuil une fois franchi.

« Betsey ! cria mistress Pentreath, appelant prudemment sa domestique, après s’être écartée à quelques pas des deux visiteurs. Betsey !… demandez à M. Munder de vouloir bien venir par ici. »

M. Munder parut bientôt, marchant d’un pas résolu, et don-