Page:Collins - Le Secret.djvu/203

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— Je vous demande mille fois pardon… je vous fais mille excuses pour cette inattention apparente… Je venais justement de songer… C’est-à-dire, je désirais savoir…

— Si vous vous préoccupez à ce point d’une absurde chronique, reprit mistress Pentreath, adoucie par l’évidente sincérité des excuses qui lui étaient ainsi offertes, je vous dirai que le fantôme en question est, effectivement, celui d’une femme. »

Le visage de l’étrangère blêmit encore, et de nouveau elle se retourna vers la fenêtre du palier.

« Qu’il fait chaud ! dit-elle, exposant son visage à l’air extérieur.

— Chaud ?… par un vent du nord-est ? » s’écria mistress Pentreath, tout à fait abasourdie.

À ce moment s’avançait l’oncle Joseph, demandant poliment si on procéderait bientôt à la visite des appartements. Depuis quelques minutes il s’évertuait à questionner M. Munder sur toute espèce de sujets ; et n’en recevant que les réponses les plus laconiques, les plus disgracieuses, il avait fini par ne plus adresser la parole au farouche intendant.

Mistress Pentreath se préparait à conduire ses visiteurs dans la salle à manger, la bibliothèque et le salon. Les trois pièces communiquaient l’une avec l’autre, et chacune d’elles avait une seconde porte ouvrant sur un long corridor, dont l’entrée était à main droite du palier du premier étage. Avant de montrer le chemin, la femme de charge posa légèrement sa main sur l’épaule de Sarah, pour lui faire comprendre qu’il était temps de se remettre en marche.

« Quant à l’histoire du revenant, recommença mistress Pentreath tout en ouvrant la porte de la salle à manger, si vous voulez qu’on vous la raconte d’un bout à l’autre, il faudra la demander aux ignorants qui veulent bien y croire… S’il s’agit d’un vieux spectre ou d’un nouveau… et à quelles fins il est censé se promener chez nous, voilà ce qu’en vérité je ne puis dire. » Malgré l’indifférence qu’affectait la femme de charge à l’endroit des superstitions populaires, elle en avait assez entendu, de cette histoire funèbre, pour en être parfois très-émue, mais sans en vouloir convenir. Soit à l’intérieur, soit au dehors du manoir, on n’aurait guère trouvé, en fin de compte, une personne moins disposée à s’aventurer seule dans les appartements du nord que ne l’était l’incrédule mistress Pentreath.

Pendant que la femme de charge relevait les persiennes de