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aux croisées, tantôt feuilletant les livres posés sur les tables, essayant quelques grimaces devant les glaces des cheminées, bref, regardant partout, sauf du côté où il aurait dû regarder. La femme de charge, impatientée par cette affectation d’indifférence, l’avertit d’un ton assez aigre qu’il eût à ne pas perdre l’étranger de vue, attendu qu’elle avait, assez affaire, de son côté, pour surveiller la dame au simple costume.

« Fort bien, fort bien, répondit M. Munder avec une insouciance boudeuse… Et maintenant, madame, où irons-nous après avoir visité le salon ?… Reviendrons-nous sur nos pas, par la bibliothèque, dans la salle à manger ?… ou bien sortirons-nous dans le corridor, sans autre formalité ?… Soyez assez bonne pour régler ceci… puisque vous réglez ici toute chose.

— Nous prendrons certainement le corridor, répondit mistress Pentreath, pour leur montrer les trois chambres qui sont encore derrière celle-ci. »

M. Munder, toujours flânant, passa de la bibliothèque dans le salon par la porte commune à ces deux pièces, tira le verrou de celle qui ouvrait du salon dans le corridor, et ensuite, au grand mécontentement de la femme de charge, s’alla planter devant la glace de la cheminée, comme, naguère encore il se pavanait devant celle de la pièce qu’on venait de quitter.

« Voici le salon ouest, dit mistress Pentreath, se rapprochant des visiteurs… La cheminée, sculptée en pierre, ajouta-t-elle dans le malicieux dessein de les ramener vers l’intendant, est à coup sûr ce qu’il y a de plus remarquable dans cet appartement. »

Forcé, par cette manœuvre habile, de quitter la place où il se mirait, M. Munder, obstiné en sa flânerie provocante, s’alla planter à la fenêtre, et regarda le paysage. Sarah, toujours pâle, toujours silencieuse, mais avec une certaine détermination bien étrangère à sa nature, et dont on eût dit que l’empreinte se gravait dans les plis inscrits autour de ses lèvres, Sarah s’était arrêtée, pensive, devant le marbre de cheminée que la femme de charge venait de désigner plus spécialement à son attention. L’oncle Joseph, regardant de tous côtés, à bâtons rompus, selon sa coutume, aperçut, dans le coin de la pièce le plus éloigné de la porte ouvrant sur le corridor, une belle table à cabinet, en bois d’érable, d’un modèle tout particulier. Son enthousiasme d’ébéniste s’éveillant à la vue de ce chef-d’œuvre, il traversa précipitamment le salon pour aller admirer de plus près un si rare travail. Et que vit-il