Page:Collins - Le Secret.djvu/86

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jour, on ne l’a jamais revue, jamais on n’a rien su d’elle. Cette circonstance m’a toujours paru avoir produit sur l’esprit de mon père une impression presque aussi profonde que la mort de sa femme. Nos voisins, nos domestiques, croyaient tous (pour autant que j’en sache) à la folie de cette créature ; mais mon père ne partageait pas leur opinion, et je sais qu’il n’a ni détruit ni oublié la lettre en question.

— Singulier, bien singulier incident, Rosamond !… Je ne suis pas surpris qu’il en ait été vivement impressionné.

— Soyez sûr, Lenny, que les domestiques et les voisins étaient parfaitement dans le vrai : cette femme était folle… Folle ou non, du reste, ce n’en est pas moins là un événement notable dans nos annales de famille. Tous les vieux manoirs ont leur légende ; voilà celle du nôtre. Mais depuis lors il s’est écoulé des années et des années ; et, le temps aidant, puis les changements que nous allons faire, je n’ai point peur que mon bon et cher père se vienne mettre à la traverse de nos plans de vie. Donnez-lui à Porthgenna un jardin du nord, tout neuf, où il puisse, comme je le lui dis « faire son quart. » Donnez-lui, pour les habiter, ces chambres du nord où jamais peut-être il n’a mis le pied, et je réponds des résultats. Mais tout ceci, c’est l’avenir. Revenons au présent. À quand notre visite ? et quand irons-nous à Porthgenna reviser les devis de M. Horlock ?

— Nous avons encore trois semaines à passer ici, Rosamond.

— Oui ; et ensuite il nous faut retourner à Long-Beckley. J’ai promis au plus gros et au meilleur des hommes, notre cher ministre, qu’il aurait notre première visite. Il ne nous lâchera pas avant trois semaines ou un mois, voilà sur quoi nous pouvons compter.

— Cela étant, il faut remettre à deux mois notre voyage de Porthgenna. Votre écritoire est-elle ici, Rosamond ?

— Oui ; tout près de vous, sur la table.

— Écrivez donc à M. Horlock, chère amour, et donnez-lui rendez-vous à deux mois d’ici, dans le vieux manoir… Dites-lui en même temps que, ne pouvant pas nous risquer sur des escaliers en décret, et les rampes m’étant spécialement indispensables, j’autorise la remise à neuf de l’escalier du couchant… Pendant que vous y êtes, autant vaudrait aussi, ce me semble, écrire une autre lettre à la femme de charge de Porthgenna, pour lui faire connaître l’époque où elle devra se mettre en mesure de nous recevoir. »