Page:Columelle - L'Économie rurale, Tome 2, trad Du Bois, 1845.djvu/365

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non seulement ils s’occupaient beaucoup des piscines qu’ils avaient formées eux-mêmes, mais encore ils remplissaient les lacs naturels du frai des poissons de mer qu’ils y transportaient. Il en résulta que les lacs de Velino, de Sabate, aussi bien que le Vulsinum et le Ciminus, virent naître des loups de mer et des dorades, et tous les autres poissons qui peuvent supporter l’eau douce.

[3] Cet usage tomba en désuétude dans les âges postérieurs, et le luxe des riches alla jusqu’à renfermer dans une enceinte les mers mêmes et Neptune ; et déjà nos aïeux gardaient la mémoire de cette action et de ce mot de Marcius Philippe, témoignage de sa grande élégance et de son luxe effréné. Ce Romain soupait un jour à Cassino ; ayant goûté d’un loup pris dans une rivière voisine, et l’ayant craché, il mit le comble à l’impertinence de son action en disant à son hôte « Que je meure, si je n’ai cru que c’était un poisson ! ».

[4] Ce parjure contribua à rendre, chez beaucoup de personnes, la gourmandise plus recherchée, et apprit aux palais exercés et délicats à dédaigner le loup des rivières, s’il ne s’était fatigué à remonter le cours du Tibre. C’est pourquoi Térence Varron a dit, « qu’il n’y avait de son temps un beau fils, un Rhinthon, qui ne pensât qu’il n’existait aucune différence entre la possession d’un vivier peuplé de tels poissons et celle d’un étang de grenouilles. »

[5] Toutefois, dans ces mêmes temps dont Varron cite ce trait de luxe, on donnait les plus grands éloges à l’austérité de Caton, qui, au reste, en sa qualité de tuteur de Lucullus, vendait les piscines de son pupille la somme énorme de quatre cent mille sesterces. Déjà étaient fameuses les délices de la cuisine, lorsque l’on faisait apporter de la mer l’eau de ces piscines dont Sergius Orata et Licinius Muréna étaient si fiers, ainsi que des poissons dont ils faisaient la capture, et dont ils empruntaient leurs surnoms, comme avant eux les vainqueurs