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COUPS DE FUSILS INEXPLICABLES ET AUTRES

si c’était possible, les tirer ou bien les pousser dans ma direction du côté du lac. On nettoya les fusils, on vérifia l’état des courroies des raquettes, et tout fut prêt pour un départ à bonne heure.

J’avais un long détour à faire, de sorte que je partis de bon matin pour aller prendre mon poste, avant que la partie commençât. Je pris une bonne position à environ dix verges du centre de la coulée, en foulant soigneusement la neige pour me faire le pied sûr. Au bout d’un certain temps, j’entendis deux coups de fusil, puis trois autres détonations.

— Diable ! me dis-je, ils ne m’en laisseront pas !

Je me trouvais bientôt rassuré, cependant, en apercevant les trois caribous qui s’en venaient à la fine course du côté du lac. J’avais chargé mon fusil, comme je viens de le décrire, je m’étais assuré de son fonctionnement, et je me tins prêt. Le mâle venait en tête avec un petit juste à ses côtés. J’attendis qu’ils fussent sur ma ligne de tir, je visai aux épaules et je tirai.

Que se passa-t-il ?

Ils ne s’écrasaient pas, mais reprirent leur course sans paraître avoir été même touchés.

Je restai tellement déconfit, que je ne pensai à recharger mon fusil que lorsqu’ils furent bien loin, hors de portée. J’avais tiré à dix verges sur deux caribous et je les avais manqués ! Ça n’était pas nervosité de jeunesse, car il y avait longtemps que j’avais traversé cette période.

J’examinai la neige du côté opposé de la gorge, mais je n’y pus trouver aucune trace de balle. Où était-elle allée ? Voilà ce qui pour moi est toujours resté un mystère. Mon frère et les Indiens arrivèrent bientôt, je leur racontai ce qui m’était advenu. Ils restèrent sans rien dire, mais je pus constater à leur mine que ma réputation comme bon tireur était fort avariée.