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NOMMÉ GARDIEN DE LA RIVIÈRE GODBOUT

Ce fut durant ces mois de garde que j’appris à nager et à plonger. L’eau y était infiniment moins froide que dans tout autre endroit où j’avais jusque-là vécu, à l’exception de Trois-Rivières. En conséquence, j’en profitai au point que les naturels avaient fini par dire que j’étais à demi-loup-marin. On faisait circuler des histoires ridicules au sujet de mes exploits aquatiques ; on disait, par exemple, que je pouvais rester une demi-heure au fond de l’eau, sans respirer. Bien des pêcheurs croient encore à cette légende que, comme de raison, je n’ai jamais voulu contredire. Voici quelle en avait été l’origine.

La baie Godbout était alors un lieu de grand rendez-vous de pêche à la morue, particulièrement pour ce que l’on appelle la pêche de la morue d’automne. Cette saison commençait vers le 15 août et se continuait, en certaines années, jusqu’en octobre et novembre. Des bateaux de Matane et de l’Île Verte s’y rendaient et parfois, par hasard, quelque goélette de pêche des États-Unis. Un jour, un jeune garçon, en se lavant les mains par dessus le bord de son bateau laissa échapper ce qui était pour lui un objet de haute valeur, un jonc en or. C’était un de ces anciens joncs plats et gravés à l’extérieur, qu’il disait lui avoir coûté douze piastres. Cette perte lui causait beaucoup de chagrin et il se lamentait. Quelques résidents l’avisèrent de venir me trouver et me prier de plonger pour retrouver le jonc. Il m’arriva donc, et je me rendis avec lui à son bateau. Je pris des sondages avec une ligne à plomb et je trouvai vingt-et-un pieds d’eau. Convaincu que la chose était assez facile, je plongeai. Au neuvième plongeon je rapportais le jonc. Le lendemain, le bruit se répandit parmi les pêcheurs que j’avais retrouvé le jonc au fond de six brasses d’eau, et plus on répétait l’histoire, plus il y avait de brasses d’eau.