Page:Compte rendu des travaux du congrès de la propriété littéraire et artistique, II.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici quelles étaient les dispositions essentielles consacrées par le principal de ces arrêts, dont le préambule déclarait ou plutôt rappelait que le privilége en librairie est une grâce fondée en justice.

Les priviléges étaient proclames nécessaires pour tous livres nouveaux. Ces priviléges ne pouvaient être d’une durée moindre de dix années ; cependant ils se prolongeaient pendant toute la vie de l’auteur, lorsque celui-ci survivait à leur expiration. Aucune continuation de privilége n’était admise, à moins qu’il n’y eut dans le livre augmentation au moins d’un quart. Après la cessation du privilége d’un ouvrage et la mort de son auteur, une permission d’en faire une édition pouvait être accordée à un ou plusieurs éditeurs, sans que cette permission fut un obstacle à ce que d’autres en obtinssent de semblables. Tout auteur qui obtenait en son nom le privilége de son ouvrage avait le droit de le vendre chez lui et jouissait de son privilége pour lui et pour ses hoirs à perpétuité, pourvu qu’il ne le rétrocédat à aucun libraire, auquel cas la durée du privilége était, par le seul fait de la cession, réduite à celle de la vie de l’auteur.

Les règlements prescrivaient aux possesseurs de priviléges existants de les faire vérifier et renouveler ; ils punissaient sévèrement la contrefaçon, mais amnistiaient de toute peine les auteurs des contrefaçons antérieures.

Les libraires se montrèrent très-blesses de cette dernière mesure. Ils réclamèrent aussi fortement contre les dispositions qui prescrivaient la vérification et le renouvellement des priviléges et qui prohibaient le droit de cession. Une très-vive polémique s’engagea, polémique dans laquelle Linguet se distingua parmi les adversaires les plus décidés des nouveaux réglements. Il reprit la thèse soutenue par d’Héricourt, que l’auteur d’un livre ou ses ayants cause devaient avoir des droits égaux à ceux du propriétaire d’un bien ordinaire et que la perpétuité était de l’essence des uns comme des autres. Les réglements admettaient cette perpétuité, mais seulement au cas que les auteurs ne rétrocédassent point leur privilége. Un arrêt du conseil du 30 juillet 1778 donna sous ce rapport une certaine satisfaction aux réclamants en décidant que tout acte ou convention qu’un auteur ferait pour imprimer ou débiter une édition de son ouvrage ne pourrait jamais être réputé cession de son privilége.

Dans plusieurs affaires qui lui furent déférées, le Parlement se montra enclin à admettre les réclamations des libraires contre la limitation des priviléges. Sur la provocation de d’Epréménil, les six arrêts du Conseil furent déférés a la Cour, et toutes les chambres furent assemblées. Un arrêt du Parlement du 23 avril 1779 ordonna qu’un compte serait rendu par les gens du Roi. L’avocat général Séguier rendit ce compte dans un rapport qui dura trois audiences et dans lequel il fit ressortir la portée favorable des nouveaux règlements, qui pour la première fois reconnaissaient d’une manière explicite les droits des auteurs et de leur postérité.