Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/69

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prement dits aux simples littérateurs, et ensuite, dans l’ordre politique, des juges aux avocats. La Grande Crise finale a nécessairement commencé quand cette commune décadence, d’abord spontanée, puis systématique, à laquelle, d’ailleurs, toutes les classes quelconques de la société moderne avaient diversement concouru, est enfin parvenue au point de rendre universellement irrécusable l’impossibilité de conserver le régime ancien et le besoin croissant d’un ordre nouveau. Dès son origine, cette crise a toujours tendu à transformer en un vaste mouvement organique le mouvement critique des cinq siècles antérieurs, en se présentant comme destinée surtout à opérer directement la régénération sociale, dont tous les préambules négatifs se trouvaient alors suffisamment accomplis. Mais cette transformation décisive, quoique de plus en plus urgente, a dû rester jusqu’ici essentiellement impossible, faute d’une philosophie vraiment propre à lui fournir une base intellectuelle indispensable. Au temps même où le suffisant accomplissement de la décomposition préalable exigeait la désuétude des doctrines purement négatives qui l’avaient dirigée, une fatale illusion, alors inévitable, conduisit, au contraire, à accorder, spontanément à l’esprit métaphysique, seul actif pendant ce long préambule, la présidence générale du mouvement de réorganisation. Quand une expérience pleinement décisive eut à jamais constaté, aux yeux de tous, l’entière impuissance organique d’une telle philosophie, l’absence de toute autre théorie ne permit pas de satisfaire d’abord aux besoins d’ordre, qui déjà prévalaient, autrement que par une sorte de restauration passagère de ce même système, mental et social, dont l’irréparable décadence avait donné lieu