Page:Comte de Lautréamont - Poésies II.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’homme, il ne se trouve pas que l’ennui, qui est son mal le plus sensible, soit son plus grand bien. Il peut contribuer plus que toutes choses à lui faire chercher sa guérison. Voilà tout. Le divertissement, qu’il regarde comme son plus grand bien, est son plus infime mal. Il le rapproche plus que toutes choses de chercher le remède à ses maux. L’un et l’autre sont une contre-preuve de la misère, de la corruption de l’homme, hormis de sa grandeur. L’homme s’ennuie, cherche cette multitude d’occupations. Il a l’idée du bonheur qu’il a gagné ; lequel trouvant en soi, il le cherche, dans les choses extérieures. Il se contente. Le malheur n’est ni dans nous, ni dans les créatures. Il est en Elohim.

La nature nous rendant heureux en tous états, nos désirs nous figurent un état malheureux. Ils joignent à l’état où nous sommes les peines de l’état où nous ne sommes pas. Quand nous arriverions à ces peines, nous ne serions pas malheureux pour cela, nous aurions d’autres désirs conformes à un nouvel état.

La force de la raison paraît mieux en ceux qui la connaissent qu’en ceux qui ne la connaissent pas.

Nous sommes si peu présomptueux que nous voudrions être connus de la terre, même des gens qui viendront quand nous n’y serons plus. Nous sommes si peu vains, que l’estime de cinq personnes, mettons six, nous amuse, nous honore.

Peu de chose nous console. Beaucoup de chose nous afflige.

La modestie est si naturelle dans le cœur de l’homme, qu’un ouvrier a soin de ne pas se vanter, veut avoir ses admirateurs. Les philosophes en veulent. Les poètes surtout ! Ceux qui écrivent en faveur de la gloire veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit. Ceux qui le lisent veulent avoir la gloire de l’avoir lu. Moi, qui écris ceci, je me vante d’avoir cette envie. Ceux qui le liront se vanteront de même.

Les inventions des hommes vont en augmentant. La bonté, la malice du monde en général ne reste pas la même.

L’esprit du plus grand homme n’est pas si dépendant, qu’il soit sujet à être troublé par le moindre bruit du Tintamarre, qui se fait autour de lui. Il ne faut pas le silence d’un canon pour empêcher ses pensées. Il ne faut pas le bruit d’une girouette, d’une poulie. La mouche ne raisonne pas bien à présent. Un homme bourdonne à ses oreilles. C’en est assez pour la rendre incapable de bon conseil. Si je veux qu’elle puisse trouver la vérité, je chasserai cet animal qui tient sa raison en échec, trouble cette intelligence qui gouverne les royaumes.

L’objet de ces gens qui jouent à la paume avec tant d’application d’esprit, d’agitation de corps, est celui de se vanter avec